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Gustave Amoureux, Guignol sur le bout des doigts

Guignol
Guignol

Plantons le décor : c’est Noël, on va au Guignol. On est trois adultes, mais on a déniché un bon prétexte pour s’y rendre : Léon, mon neveu de 2 ans et demi.

Dans une salle en sous-sol, plongés dans l’obscurité, on attend le début spectacle. On a choisi une place au centre en évitant soigneusement les premier et deuxième rangs (conseil du marionnettiste). Installés confortablement dans nos fauteuils en velours rouge, on sent la tension monter…

« Guignol ! Guignol ! Guignol ! » Le public frappe dans ses mains. Mon neveu, sûr de lui, nous imite : « Génial ! Génial ! Génial ! ». Ça commence bien…

Quelques jours plus tard, j’ai rendez-vous avec Gustave Amoureux (oui, c’est son vrai nom), 31 ans, marionnettiste (oui, c’est son vrai métier), devant le « Elephant and Castle », bar-restaurant du quartier Saint-Paul, tout près du théâtre de Guignol où il travaille. Ponctuel, il m’attend avec sa chienne Hestia et son mètre quatre-vingt-quinze. C’est un type dynamique, sympathique et ravi de me parler de son métier et du théâtre dans lequel il joue.

Parcours d’un Guignoliste

Gustave est né à Paris. Enfant, il passe son temps libre au jardin du Luxembourg, où se produit un Guignoliste dans la grande tradition. « Quand je serai grand, je ferai ça », rêve le jeune Gustave.

À quinze ans et demi, il joue pour la première fois dans un festival de rue, seul et amateur. « Un amateur, pour moi, c’est celui qui aime », précise Gustave. C’est là qu’il rencontre un professionnel qui lui apprend les bases du maniement de la marionnette à gaine – celle que l’on anime en enfilant la main dans le vêtement de la poupée.

Gustave passe ensuite son bac L avant de s’orienter en sciences de l’éducation, jusqu’au master 1. Des études passionnantes, dit-il, qu’il choisit pour comprendre comment éviter l’échec scolaire des enfants, et quelles sont les alternatives aux cases toutes faites de l’enseignement classique. Mais Gustave n’oublie pas son ambition de Guignoliste. De plus en plus occupé par son travail, il finit par quitter l’université.

En 2013, il s’installe à Lyon pour rejoindre la Compagnie des Zonzons. Aujourd’hui, il travaille avec la Compagnie Ma, au sein du même lieu, le théâtre de la rue Louis Carrand. « C’est là que j’ai tout réappris, dans un lieu où l’ambition artistique est très grande ! »

Guignol, son histoire, ses valeurs

Guignol est né en 1808, dans la rue et dans la main de Laurent Mourguet, un arracheur de dents qui veut attirer les clients. Comme il ne sait ni lire ni écrire, il improvise des pièces inspirées par l’actualité du jour. Porte-parole du milieu des Canuts dont il est issu, il en profite pour se dresser contre les injustices sociales.

À l’époque, les dockers entre Rhône et Saône viennent de Marseille et véhiculent sur leurs péniches les informations politiques. C’est comme la gazette du coin, en quelque sorte. Les spectacles à ce moment-là sont alors grivois, parfois presque pornographiques, dans ce milieu si viril.

Petit à petit, Laurent Mourguet introduit de nouveaux personnages, animés par ses propres enfants. Le triptyque de base, c’est Guignol, Gnafron (son meilleur ami porté sur la bouteille), et Madelon (sa femme). Une tradition familiale, donc, dès le début, qui se perpétue maintenant dans cette même ambiance.

Lorsqu’à la fin du 19ème siècle, Guignol quitte la rue pour s’établir dans des théâtres, il n’abandonne pas pour autant son humour. Sur les quais de Saône, à quelques mètres du théâtre des Célestins, Guignol parodie les pièces qui rencontrent alors le succès du public. C’est ainsi que naissent des classiques, comme Cyrano Guignol de Bergerac, une œuvre tout en alexandrins, où Guignol s’émeut de son absence de nez.

On ne peut parler de la poupée de bois (de tilleul) sans évoquer le parler lyonnais. Eh oui, toute notre âme, notre accent (enfin, celui des anciens du faubourg) mais aussi nos expressions sont ici mises en avant avec délice. Gustave, en bon Parisien, imite, l’œil rieur, l’accent très prononcé de son vendeur de légumes sur le marché.

Guignol aujourd’hui

En sortant de la représentation, on a toujours le même grand sourire, une petite musique qui trotte dans la tête et un goût d’enfance revécue.

Car le spectacle de Guignol est tel qu’on le connaissait lorsqu’on était gones : jeux de mots et petites chansons, coups de bâtons et bouteilles de rouge, scénarios comiques, clins d’œil engagés et morale sauve. Et au théâtre de la rue Louis Carrand, la scénographie prend toute sa place. Toujours, on se retrouve plongés dans des décors de papier en 3D, magnifiquement complimentés par les jeux de lumière.

Afin de continuer à faire vivre le théâtre de Guignol, la Compagnie écrit également des textes entièrement nouveaux : une création satirique a eu lieu pour les élections présidentielles.

Coulisses du théâtre de Guignol

Même pas besoin de demander, Gustave me propose d’assister au filage où se rejoignent les deux marionnettistes qui jouent cette semaine (ils sont six en tout mais rarement sur scène tous ensemble), les régisseurs et le musicien. Car fait très rare, la musique est interprétée en direct pendant le spectacle, et non enregistrée.

Quel privilège d’entrer dans le théâtre vide et de pouvoir passer dans la régie, dans la kitchenette des artistes ou même dans l’atelier de restauration ! C’est là que je réalise à quel point les Guignolistes sont passionnés et polyvalents. Non contents de manier les marionnettes, ils savent aussi les réparer, recoudre leurs vêtements, combler une écaille de peinture…

En coulisses, je m’aperçois avec étonnement que la « bande » du castelet est située à 1,70 mètre de hauteur. Les comédiens jouent donc debout pendant toute l’heure de la représentation, bras en l’air ! Un sport de haute endurance. « À la fin de la représentation, on est en sueur et vraiment vidés, c’est sûr ! Mais dans le feu de l’action, on est tellement boostés par l’adrénaline qu’on ne sent pas la fatigue », confie Gustave.

Pour l’anecdote, Gustave est tellement grand qu’il est obligé de s’asseoir sur un tabouret à roulettes pour qu’on ne voie pas ses cheveux. L’autre marionnettiste du jour, Flore, est quant à elle un poil trop petite pour le castelet et doit se hisser sur des chaussures plateforme pendant toute la représentation.

Enfin, je ne vais pas vous dévoiler tous les secrets, allez-y pour voir ! En effet, la tradition chez Guignol, c’est que le public est invité à passer derrière le castelet à la fin du spectacle : l’occasion de poser toutes vos questions à la joyeuse bande.

Alors, pour toutes ces bonnes raisons, courez assister au prochain spectacle ! Même pas besoin de vous trouver un « petit » prétexte, les adultes peuvent venir non accompagnés.


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Théâtre Guignol
2 rue Louis Carrand, 69005 Lyon
04 78 29 83 36

Plus d’informations et toute la programmation sur le site officiel de la compagnie.

Réservations : par téléphone ou par mail à l’adresse reservation.lacompagniema@gmail.com